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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE J2$

poraines, n'a donné, Dieu merci, à la France ni un homme, ni un livre, ni même un dévouement. » Dieu merci vaut son pesant d'or.

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��Il est naturel que nous n'arrivions qu'en dernier lieu à la cri- tique professionnelle, car, si elle n'est pas la moins considérable des trois, si elle en constitue même le Tiers-Etat, qui cherche à être tout, à la grande fureur de MM. de Goncourt, on ne saurait nier qu'elle soit venue la dernière. Elle correspond à l'âge des professeurs. Elle a été créée par des professeurs. En France le Discours sur l'histoire universelle et VEssai sur les Mœurs n'avaient été accompagnés, au xvn e et au xvin e siècle, d'aucun « discours » sur l'histoire littéraire. La première œuvre de ce genre, celle qui a presque fondé la critique professionnelle, ce fut le cours professé par La Harpe et publié sous le nom de Lycée. L'œuvre de La Harpe a été continuée sous la Restau- ration parles cours éloquents de Villemain, dont on ne saurait séparer les deux autres cours non moins éloquents de Guizot et de Cousin. Et, depuis, la critique professionnelle est restée à peu près réservée aux professeurs. Sainte-Beuve est à peine une exception. Son Port- Royal, son Chateaubriand, son Virgile, sont sortis de cours publics, et quand il entra tardivement au Cob lège de France, le seul scandale était qu'il n'y figurât pas depuis longtemps.

Cette critique professionnelle demeure une des parties les plus solides et les plus respectables de notre littérature au xix e siècle. Elle a retourné et labouré en tous sens le champ de nos xvi e , xvn e et xvin e siècles. La critique spontanée représente le côté de ceux qui parlent et qui jugent ; la critique d'artiste le camp de ceux qui créent et qui rayonnent ; la critique des pro- fesseurs est une critique faite par des hommes qui lisent, qui savent et qui ordonnent : ce n'est pas tout, mais c'est beaucoup.

Des hommes qui lisent. Le poète parle de ce qu'il a senti, le vo)'ageur de ce qu'il a vu, le professeur parle généralement de ce qu'il a lu. Le monde des lectures devient vite pour lui le monde réel, ce qui ne va pas toujours sans une certaine naïveté à la don Quichotte, mais ce qui fournit au moins à la critique

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