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88 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il ne faudrait pas juger M. Henry Jacques sur de tels vers qui résument assez bien le côté artificiel, emprunté ou trivial de son lyrisme. Il trouve des accents justes et forts pour exprimer un sentiment vrai, profondément ressenti :

Nous les vivants du dernier iour, Tout étourdis de notre chance...

La vie qui tremblait dans leur peau Connue une bête sans courage Flairant l'ineffable repos Qui suit la fin des grands carnages.

On citerait volontiers ces litanies de la Boue où éclatent des images pleines d'énergie :

Bave qui salit tout, et la chair quelle touche Et la paille des soirs et le fer des fusils.

et cette apostrophe vraiment belle :

Reviendras-tu, soleil, lui dessécher la face Et durcir dans ses flancs la Jorme des souliers

M. Henry Jacques, qui est né poète, ne peut manquer de sentir ce qui fait le prix de tels vers, une justesse naïve qu'il faut sans cesse retrouver, à force d'art et de patience — ou de génie.

ROGER ALLARD

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��CHANSONS DÉSABUSÉES, par Max Elskamp (Van Oest, Bruxelles).

Les Madones isocèles d'Anvers, à qui Max Elskamp chanta ses premières litanies, ont de lourdes couronnes et des manteaux brodés. Dépouillées de ces ornements, qui ne sont point de pacotille, elles apparaissent émouvantes, avec l'affectation du « hanchement » gothique ou leur rudesse d'icônes paysannes. Ainsi l'art d'un poète que l'on dit « folklorique » ne l'est vrai- ment que par surcroît. Sous le décor du pittoresque local, dis- cernons l'éternelle attitude de la supplication, de l'intercession, de la prière. Ce n'est plus pour leur « naïveté » que nous aimons les « primitifs » et Max Elskamp nous est plus précieux depuis qu'une étude de Jean de Bosschère éclaira l'intimité de cette conscience inquiète. Le scoliaste a tracé de son « pauvre frère

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