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NOTES J39

effet. Oméga en nie la valeur. Il y oppose avec raison l'accen- tuation... Mais ici, il faut qu'on distingue. — Il est évident qu'un nombre donné de syllabes quelconques ne saurait con- stituer un vers, sinon un vers complètement amorphe, et que certaine accentuation est de tout temps venue animer ces syllabes. Et je dis avec Oméga contre Arnauld : " le vers français est — d'abord — un vers accentué ". Mais je dis avec Arnauld contre Oméga : " Le vers français — en outre — est un vers numérique".

Aucun de vous n'a-t-il donc lu dans Y Occident les remar- quables études de M. Robert de Souza sur la prosodie française ? S'appuyant sur les constatations scientifiques, par appareil enregistreur, de l'abbé Rousselot, il restitue péremp- toirement aux syllabes fortes leur suprématie, aux muettes leur valeur moindre, mais réelle cependant, et il prouve — je dis : il prouve — que le vers français régulier se compose d'un certain nombre d'unités rhythmiques dont l'importance varie non seulement avec la place qu'y occupent les accents forts, mais encore avec le nombre absolu des syllabes contenues en chacune d'elles, y compris les syllabes muettes que n'a pas fait tomber l'éhsion.

Je comprends que vous opposiez la prosodie française à la prosodie allemande, au point de vue de l'accentuation. Il est hors de doute que l'accent tonique, fixe, dur, affreusement marqué de l'allemand, n'est comparable en rien à l'inflexion subtile de notre langue, où la valeur des syllabes, jamais absolue, se modifie non seulement suivant leur situation dans la phrase, mais aussi suivant le mouvement de la phrase dans le discours. Différence de qualité et de quantité — mais non de nature. Si on nie l'accentuation si délicate du français, c'est faute de l'avoir suffisamment étudiée. Quand l'étude en sera complète, combien elle bouleversera de préjugés ! Je vous accorde qu'elle se prête difficilement à une réglementation précise, jusqu'à nouvel ordre du moins. Est-ce une raison pour proclamer nécessaires, et intangibles sous peine de ré- volution les règles tout extérieures du vers régulier ? Mais il n'y a rien là à révolutionner que conventions vaines créées

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