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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE


« Pardonne-moi, mon cher Jérôme, si je ne t’ai pas écrit plus tôt. L’état de notre pauvre Juliette ne m’en a guère laissé le temps. Depuis ton départ je ne V ai presque pas quittée. J’avais prié ma tante de te donner de nos nouvelles et je pense qu’elle l’aura fait. Tu sais donc que depuis trois jours Juliette va mieux. Je remercie Dieu déjà, mais n’ose encore me réjouir. »


Robert également, dont jusqu’à présent je ne vous ai qu’à peine parlé, avait pu, rentrant à Paris quelques jours après moi, me donner des nouvelles de ses sœurs. À cause d’elles je m’occupais de lui plus que la pente de mon cœur ne m’y eût naturellement porté ; chaque fois que l’école d’agriculture où il était entré le laissait libre, je me chargeais de lui et m’ingéniais à le distraire.

C’est par lui que j’avais appris ce que je n’osais demander à Alissa ni à ma tante:Edouard Teissière était venu très assidûment prendre des nouvelles de Juliette; mais quand Robert avait quitté le Havre, elle ne l’avait pas encore revu. J’appris aussi que Juliette, depuis mon départ, avait gardé devant sa sœur un obstiné silence que rien n’avait pu vaincre.

Puis par ma tante, peu après, je sus que ces fiançailles de Juliette, qu’Alissa, je le pressentais, espérait aussitôt rompues, Juliette elle-même avait demandé qu’on les rendit le plus tôt possible officielles. Cette détermination contre laquelle conseils, injonctions, supplications se brisaient, barrait son front, bandait ses yeux et la murait dans son silence…

Du temps passa. Je ne recevais d’Alissa à qui du reste je ne savais qu’écrire, que les plus décevants billets.