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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

temps pour lire aussi de mon côté ; mais j’attends de toi quelques indications, J’ai, ce matin, pris Vun après Vautre plusieurs livres sans me sentir de goût pour un seul… ! "

Les lettres d’Alissa devinrent à partir de ce moment plus troubles et plus pressantes :

" La crainte de t’inquiéter ne me laisse pas te dire combien je V attends, m’écrivait-elle vers la fin de l’été. Chaque jour a passer avant de te revoir pèse sur moi, m’oppresse ! Deux mois encore ! Cela me parait plus long que tout le temps déjà passé loin de toi ! Tout ce que j’entreprends pour tâcher de tromper mon attente me paraît dérisoirement provisoire et je ne puis m’astreindre à rien. Les livres sont sans vertu, sans charme, les promenades sans attrait, la nature entière sans prestige, le jardin décoloré, sans parfums. J’envie tes corvées, ces exercices obligatoires et non choisis par toi, qui t’arrachent sans cesse à toi-même, te fatiguent, dépêchent tes journées et le soir te précipitent plein de fatigue dans le sommeil. L’émouvante description que tu m’as faite des manœuvres m’a hantée. Ces dernières nuits, comme je dormais très mal, plusieurs fois je me réveillais en sursaut à l’appel de la diane… Positivement, je l’entendais. J’imagine si bien cette sorte d’ivresse légère dont tu parles, cette allégresse matinale, ce demi-vertige… Dans V éblouissement glacé de l’aube, que ce plateau de Malzéville devait être beau !…

Je vais un peu moins bien depuis quelque temps ; oh ! rien de grave. Je crois que je t’attends un peu trop fort, simplement ".

Et six semaines plus tard :

" Voici ma dernière lettre, mon ami. Si peu fixé que lu sois