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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la pauvre tante, convaincue que nous avions abondamment parlé, prête à nous questionner sur nos fiançailles. Alissa n’y pouvant tenir, et dont les yeux s’emplissaient de larmes, prétextalun violent mal de tête. Le retour s’acheva tout silencieusement.

Le jour suivant je me réveillai courbaturé, grippé, si souffrant que je ne me décidai qu’après midi à retourner chez les Bucolin. Par malchance Alissa n’était pas seule. Madeleine Plantier, une des petites filles de notre tante Félicie, était là — avec qui je savais qu’Alissa prenait souvent plaisir à causer. Elle habitait pour quelques jours chez sa grand-mère et s’écria lorsque j’entrai :

— Si tu retournes à la Côte en sortant d’ici, nous pourrons y remonter ensemble.

Machinalement j’acquiesçai : de sorte que je ne pus voir Alissa seule. Mais la présence de cette enfant aimable nous servit sans doute ; je ne retrouvai pas la gêne intolérable de la veille ; la conversation s’établit bientôt aisément entre nous trois, et beaucoup moins futile que je ne l’aurais d’abord pu craindre. Alissa sourit étrangement lorsque je lui dis adieu et je m’aperçus qu’elle n’avait pas compris jusqu’alors que je partais le lendemain. Du reste, la perspective d’un très prochain revoir enlevait à mon adieu ce qu’il eût pu avoir de tragique.

Pourtant, après dîner, mené par une vague inquiétude, je redescendis en ville, où j’errai près d’une heure avant de me décider à sonner de nouveau chez les Bucolin. Ce fut mon oncle qui me reçut. Alissa, se sentant souffrante, était déjà montée dans sa chambre et sans doute s’était aussitôt couchée. Je causai quelques instants avec mon oncle, puis repartis…