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LA PORTE ÉTROITE
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— Alissa, lui dis-je un matin que l’air charmant riait et que notre cœur s’ouvrait comme les fleurs, — à présent que Juliette est heureuse, ne nous laisseras-tu pas, nous aussi…

Je parlais lentement, les yeux sur elle ; elle devint soudain pâle si extraordinairement, que je ne pus achever ma phrase.

— Mon ami ! commença-t-elle, et sans tourner vers moi son regard — je me sens plus heureuse auprès de toi, que je n’aurais cru qu’on pût l’être… mais crois-moi ; nous ne sommes pas nés pour le bonheur.

— Que peut préférer l’âme au bonheur ? m’écriai-je impétueusement. Elle murmura :

— La sainteté…

…Si bas que ce mot, je le devinai plutôt que je ne pus l’entendre.

Tout mon bonheur ouvrait ses ailes, s’échappait de moi vers les deux.

— Je n’y parviendrai pas sans toi, dis-je ; et le front dans ses genoux, comme un enfant pleurant, mais d’amour et non point de tristesse, je repris : pas sans toi — pas sans toi !…

Puis le jour s’écoula comme les autres jours. Mais le soir Alissa parut sans le petit bijou de saphirs. Fidèle à ma promesse, le lendemain, dès l’aube je partis.

Je reçus le surlendemain l’étrange lettre que voici, portant en guise d’épigraphe ces quelques vers de Shakespeare :

" That strain again ; — it had a dyingfall: 0, it came o’er tny earlike the sweet south, That breathes upon a batik of violets, Stealing and giving odour. — Enough; no more, ’T is is not so sweet now as it was beforc "