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LA PORTE ETROITE I 99

— Ne lis-tu donc plus que cela?

— A peu près. Oui, depuis quelques mois. Du reste je ne trouve plus beaucoup le temps de lire. Et je t'avoue que, tout récemment, ayant voulu reprendre quelqu'un de ces grands auteurs que tu m'avais appris à admirer; je me suis fait l'effet de celui dont parle l'Ecriture, qui s'efforce d'ajouter une coudée à sa taille.

— Quel est ce " grand auteur " qui t'a donné si bizarre opinion de toi ?

— Ce n'est pas lui qui me l'a donnée; mais c'est en le lisant que je l'ai prise... C'était Pascal. J'étais peut-être tombée sur quelque moins bon passage...

Je fis un geste d'impatience. Elle parlait d'une voix claire et monotone, comme elle eût récité une leçon, ne levant plus les yeux de dessus ses fleurs qu'elle n'en finis- sait pas d'arranger. Un instant elle s'interrompit devant mon geste, puis continua du même ton :

— Tant de grandiloquence étonne, et tant d'effort; et pour prouver si peu. Je me demande parfois si son into- nation pathétique n'est pas l'effet plutôt du doute que de la foi. La foi parfaite n'a pas tant de larmes ni de tremble- ment dans la voix.

— C'est ce tremblement, ce sont ces larmes qui font la beauté de cette voix, essayai-je de repartir, mais sans cou- rage, car je ne reconnaissais dans ces paroles rien de ce que je chérissais dans Ali.ssa; je les transcris telles que je m'en souviens et sans y apporter, après coup, art ni logique.

— S'il n'avait pas d'abord vidé la vie présente de sa joie, reprit-elle, elle pèserait plus lourd dans la balance que...

— Que quoi? hVje, interdit par ses étranges propos.

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