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374 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chacun donne aux mots la définition qui lui est commode et où les questions de personne dénaturent sans cesse et parfois ennoblissent fortuitement les questions de principe. On vou- drait ne témoigner que respect pour le culte fidèle voué par quelques-uns à la mémoire de Mallarmé, mais du même coup l'on tient à ne point paraître accepter tout le fatras théorique que d'aucuns prétendent faire découler de l'esthétique du Maître. L'école usurpe sur l'admiration que l'on porte à son chef ou bien l'expose à quelques-uns des traits qui ne sont destinés qu'à elle.

Seules les oeuvres importent et l'unique question serait de déterminer si les auteurs formés dans le giron du symbolisme ont pu progresser Hbrement, en ligne droite, ou s'ils ont dû renier leurs premières formules et n'évoluer qu'en réaction contre les influences subies d'abord. Dans ce dernier cas, il ne faudrait pas proclamer l'échec du symbolisme, mais sim- plement affirmer qu'il a fait son temps, ce qui est tout autre chose. Car prétendre que toute poésie est par essence symbo- liste, c'est ne rien dire du tout.

Le volume de M. JuHen Ochsé Enlre l'Heure et la Faux nous reporte de quinze ans en arrière, aux premiers poèmes de Henri de Régnier ou de Viélé-Griffin. Ce n'est point de l'imitation, mais c'est une manière qui date. On peut écrire de fort bons ouvrages dans une langue qui n'est plus celle du jour, témoin le vieux d'Aubigné composant ses Tragiques ; et puisque nous pouvons contempler les livres dans leur immo- bilité, comme des statues, peu importe qu'ils soient tournés vers l'Orient ou vers l'Occident. Disons seulement que l'at- mosphère des poèmes de M. Ochsé est celle des premiers temps du symbohsme, qu'il s'y meut à l'aise, mais qu'il ne parvient pas à y entraîner à sa suite nos préoccupations d'aujourd'hui.

C'est avec discrétion, raffinement et noblesse, une poésie, si l'on peut dire, soyeuse et grise et qui ressemble à ces tissus arachnéens, impalpables et savants, où s'irisent des gouttes de rosée.

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