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39 2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Pendant un quart d'heure, vingt minutes, Joanny Léniot, assis à son banc, prêtait l'oreille aux différentes phases de la cérémonie. Les bruits des pas et des voix, le gronde- ment des élèves se levant tous à la fois à l'entrée des autorités, — il entendait tout cela, et l'incertitude et l'anxiété l'affolaient. Et ces bruits se répétaient de proche en proche. Voici que ces Messieurs entraient dans la salle voisine. Enfin c'était le tour de la classe de Léniot. Les autorités, en redingote et en chapeau haut-de-forme, fai- saient leur entrée ; les élèves et le professeur se levaient.

— Asseyez-vous, Messieurs", disait le Préfet des Etudes qui prenait un air solennel. Et alors le professeur lisait les résultats de la dernière composition ; quel instant !

— Premier : Léniot (Joanny).

Brusquement il se levait ; M. le Préfet des Etudes lui souriait ; puis il se rasseyait, chancelant. C'était une com- motion, un coup dans son cerveau, un ébranlement de tous ses nerfs. Jusqu'à la fin de la classe, il en gardait un tremblement intérieur, une sorte de fièvre. A la sortie, il entendait :

— On a donné les places, chez vous ? Qui a été premier ? "

— Léniot encore, parbleu ! "

Il ne laissait rien paraître de sa joie. Du reste il savait combien tout cela était indifférent à la grande majorité des élèves. Et aussi, il voulait être modeste. Mais cette joie était si grande qu'il aurait voulu crier, et qu'il mar- chait voûté, tout courbé sous son fardeau d'orgueil. Comme, dans les images des romans d'aventures, on voit un pirate qui porte une belle captive blanche, ainsi il lui

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