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autour du pressoir, alors qu’on s’attelait à la barre, les deux mains jointes, et qu’on donnait de grands coups de reins, à la renverse, pour faire écumer le vin doux et ruisseler le sang des grappes écrasées.

Il y avait quelque chose de détraqué dans l’horloge de nos émotions quotidiennes. Le balancier de notre vie s’était arrêté à l’heure où avaient fui les clairs matins de septembre.

Pour mieux nous faire sentir notre déchéance ne nous avait-on pas obligé de ranger dans la grande armoire du vestibule les plus sûrs compagnons de nos plaisirs : la carabine qui blessa, dit-on, tant d’oiseaux chétifs, la bicyclette folle, les cannes à pêche qu’on tire toujours trop vite de l’eau et dont l’hameçon demeure pris aux branches des sapins, le ballon décidément crevé, le clairon enrhumé et au pavillon accidenté comme le cartilage d’une oreille. Ces tendres confidents on les enfouissait en silence, sans plus se disputer sur leur possession, comme on dépose dans la tombe un ami cher, et cette cérémonie avait le goût des sacrifices antiques, des victimes expiatoires qu’on offre en holocauste aux divinités implacables.

À présent tout était consommé, il n’y avait plus qu’à partir pour le collège. Pourtant on se gardait des larmes, car il y avait un fameux déjeûner d’adieu, avec la surprise obligatoire des paquets de bonbons distribués au dessert pour être cachés