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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la vibrante et voluptueuse épaisseur de la sym- phonie primitive. Que Ton écoute le deuxième morceau : les Parfums de la nuit. Le lourd malaise embaumé des jardins nocturnes n'a besoin pour s'évoquer d'aucune effusion harmonique ni du sensuel tremblement des cordes. Les parties de l'orchestre se froissent, se traînent languissam- ment les unes contre les autres, appuient leurs lentes différences. Et parce que nous ne cessons pas de les entendre, sans jamais se joindre, se combiner, nous sentons la largeur de l'étoffe sonore se tisser tout doucement.

Cette raréfaction de la musique par l'intelli- gence permet une continuité plus sûre, plus droite. Comme il a choisi lui-même les fils, le musicien les tient entre ses mains; ils ne se dévident que dirigés par lui. Dès le premier morceau Libéria nous avons été surpris par une rectitude de la démarche que nous n'attendions pas. Sans doute le rythme reste multiple et brisé ; mais ce n'est plus par son hési- tation que nous sommes conduits ; il est pris lui- même dans un grand ruissellement direct, il est emmené par l'intention de la danse sonore. Sans doute il 11 y a pas, comme chez Franck, une force centrale, une puissance qui s'épanouisse peu à peu, un développement par expansion. Mais au lieu que la mélodie sans cesse se détourne pour atteindre toutes les possibilités musicales qui flottent autour d'elle, elle les attire et les engloutit sans inter-

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