Page:NRF 3.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

FIRMINA MARQUEZ 499

sible qu'il n'en restât rien ? Pour la première fois, Joanny apercevait la vanité de sa besogne. Il comprenait la sagesse supérieure des paresseux. Son ambition lui semblait, ce soir-là, une chose si ancienne ! Il reprit la traduction de Tyrtée, mais sans enthousiasme, comme une tâche, pour se raccoutumer à son existence. Il n'avait pas de cause précise de chagrin ; c'était comme s'il eût épuisé toute la joie qu'il contenait, et qu'il eût trouvé, au fond, de la tristesse.

Non, il n'avait aucune cause de chagrin ; au contraire. Seulement il avait eu une déception. Fermina Marquez n'était pas telle qu'il se l'était imaginée ; les jeunes filles en général n'étaient pas telles qu'il les avait imaginées. Il était allé à Fermina Marquez comme on marche à l'ennemi, plein de terreur, et, aussi, plein de courage. Et l'ennemi s'était avancé vers lui la main tendue ; au lieu d'un guerrier armé, il avait trouvé un bon camarade ; et mieux : une bonne camarade. Il lui avait été reconnais- sant de lui éviter ce combat auquel il s'était préparé avec tant de peines. Mais le changement d'attitude qui lui était par là même imposé le dérouta tout d'abord. Il vit tous ses plans par terre : faudrait-il donc se contenter d'une simple amitié ? Tout semblait remis en question.

Mais la jeune fille avait parlé et il avait fallu lui répondre. Et Joanny, les nerfs détendus, calmé, eut un avant-goût du grand plaisir que donnent ces causeries, si enfantines et si sérieuses, ces graves et naïves confidences qu'on se fait entre fille et garçon, à quinze ans, — et jamais plus après. Chose remarquable, elle ne s'était pas moquée de lui. Puis elle lui avait dit ceci qui l'étonna :

— Vous autres Français, vous êtes tellement incompré-

�� �