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LE POÈME IMPOSSIBLE 729

comme le clair de lune et parfumés comme la rose, où les meubles et les étoffes tenaient entre eux d'admirables conversations. Mais Mohammed- ibn-Ghyas-ed-Din-Balaban ne désirait pas un Jardin des Roses ou un Jardin des Arbres, tel que le Goulistan ou le Boustan de Saadi, il exigeait un poème religieux où ne fleurirait rien que les miracles et que parfumeraient seuls les parfums des vertus. A cette besogne le jeune homme Sohrab fut réservé, comme on réservait pour le service et la délectation du Sultan les éléphants les plus vigoureux et les roses les plus suaves. Parce que Mahmoud avait ainsi traité le Paradisiaque, Mohammed disposa pour Sohrab un magnifique appartement qu'enfermaient les quatorze compar- timents des Treize-et-un Jardins secrets.

On nourrissait des meilleures nourritures les bêtes et les fleurs royales ; de même il fallut baigner dans toutes les douceurs les sens du poète. Les Treize-et-un Jardins, vainqueurs des saisons, avaient été si merveilleusement inventés que pas un caprice du temps ne pouvait les priver de fleurs même l'espace d'un jour. Et, pour se reposer quand Sohrab préférerait son appartement, il y découvrirait des forêts insensées de palmettes, de feuillages qui s'achèvent en rinceaux, d'arbres de vie peuplés de fantastiques oiseaux affrontés, toute la végétation des velours le long des murs ; les tapis de soie à rehauts d'argent fondaient comme une

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