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UNE BELLE VUE 71

première porte venue, et, talonné par la frayeur, gravis quatre à quatre un escalier, enfilai un corridor, puis un autre, tremblant toujours dans l'expectative d'un horrible fracas, lequel se faisait d'ailleurs vainement attendre.

Je ne me serais jamais, en temps normal, aventuré de la sorte chez autrui, mais je craignais moins d'être pris pour un indiscret que d'assister aux dramatiques merveilles de la science. J'apercevais au passage des chambres dont le désordre eût cruellement fait souffrir maman. A l'extrémité du corridor une porte entrebâillée m'arrêta, de laquelle s'échappait un bruit confus de paroles. Je crus distinguer la voix de mon oncle, et, risquant un œil, je découvris que je me trouvais de plain- pied avec la tribune de la chapelle. Ma foi ! pendant que j'y étais, autant rejoindre mon père tout de suite. J'entrai.

La chapelle, dont je distinguais de haut en bas une moitié à travers les balustres de la tribune, était convertie en chantier. Echafaudages et tréteaux remplaçaient les chaises, refoulées pêle-mêle au pied de l'autel. Rois mages, apôtres, mauvais larrons, gisaient sur le carreau. Une odeur de colle et de térébenthine empestait l'atmos- phère. Mais je ne fus pas tenté de me pencher sur l'appui de velours grenat afin d'embrasser mieux le spectacle, ni de dénoncer ma présence, lorsque j'eus saisi ce dont il s'agissait entre mon père, assis presque au ras du sol sur un prie-Dieu, et mon oncle, perché, en blouse maculée, sur une échelle. A vrai dire, la conversation se réduisait presque à un monologue de ce dernier, lequel parlait sans s'interrompre de travailler, et se retournait de temps à autre, montrant une face brique dans sa barbe blanche en broussaille. Monologue de magister morigénant durement

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