Page:NRF 3.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

88 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

bien. Elle accepta l'idée de location, jugeant que le triste agrément que nous retirions aujourd'hui de Longval lui coûtait en effet beaucoup trop cher. Quant à vendre, jamais ! Elle tenait à cette propriété par des fibres dont les plus douloureuses n'étaient pas les moins solides.

Il fallut voir l'importance que prit le cousin Becquet, lorsqu'il eut acquis l'espoir de gagner sa commission et de nous chasser de notre domicile. Il ne faisait plus le rampant ni le piteux. Se vengeait-il de la déception qu'il avait éprouvée de n'avoir pas été couché sur le testament de mon père ?' On eût dit qu'il était devenu le maître du logis. De la tête aux pieds vêtu des effets de son défunt parent, qui, toutes coutures lâchées, le serraient encore à l'étouffer, il amenait les locataires éventuels parmi lesquels se glissaient de simples curieux, leur faisait visiter le château de fond en comble, ouvrait les placards, fourrait son nez partout. Et, lorsque les gens étaient partis, avec quelle sournoise joie, peinte sur sa face huileuse, il rapportait leurs réflexions saugrenues, leurs critiques, leurs moqueries ! Il tenait à faire sentir à maman que tout n'est pas rose dans le métier de propriétaire et que les mortifications ne sont pas l'apanage exclusif des malheureux.

— Votre Longval, ah ! ne croyez pas que je vous le jalouse, semblait-il dire. Il n'est pas ce que vous pensez. Vous voyez bien d'ailleurs que personne n'en veut.

Et, comme les insuccès se répétaient, il déclara un jour avec cette délicatesse dont il avait le secret :

— Longval ne plaira jamais qu'à des parvenus. Il faudrait mettre la main sur quelque commerçant, nou- vellement enrichi, et vaniteux comme ils sont tous.

�� �