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134 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

m'étouffe, qui m'opprime et que je secoue aujourd'hui ! Je n'ai pu durer davantage. Vous voir, en un moment j'eus compris qu'il n'était rien de plus important pour moi. De ce que j'engageais par ma démarche, sans doute je me rendais bien compte : j'ai passé outre, l'heure n'est plus de ces sortes de scrupules. Et me voici. A présent, vous savez tout ce qu'il y avait en moi de plus intime, de plus ardent, de plus caché : j'ai tout dit, mais ce n'est qu'afîn de mieux vous obliger à parler à votre tour. " Et rejoignant Philippe qui, assis sur le coin d'un divan, l'écoutait, le front bas : " Assez longtemps, du reste, votre silence m'a meurtrie. Contre vos dédains et vos mépris, assez longtemps je me suis heurtée en vain. Tout mon cœur s'en allait vers vous et vous le saviez. Vous n'avez rien voulu voir ; à peine d'un regard consentiez- vous à m'écarter. Mais la mesure enfin est comble. Je ne connais désormais ni obstacles ni retenue. Pour arriver à mes fins, je ne suis plus qu'une force brutale qui pousse droit devant soi et qui brisera ou sera brisée. Oui, entre nous, il y avait place pour d'autres soins, et il m'importe peu à présent d'en convenir. Cette nuit encore, si vous l'aviez voulu, d'un signe, d'un seul signe... Qu'ai-je à revenir là-dessus ! Il est trop tard. Je ne sais plus qu'exé- crer maintenant et de vous, ne veux plus qu'une chose, mais de toute l'énergie de mon âme et je l'aurai, celle-là : c'est de savoir pourquoi vous avez négocié ce marché honteux ; quel était votre but, et ce que vous prétendiez obtenir... "

Toute soulevée d'exaltation et de menace, pour épier sa réponse, elle se tenait penchée au-dessus de Latour qui demeurait inerte et muet. " M'avez-vous entendue ?

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