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136 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'avez faite, si vous avez eu peur à ce point, ah ! qu'ai-je à chercher davantage ? C'était donc vrai ? "

Et, les mains toujours serrées sur sa gorge : " Ainsi, poursuivit-elle, ainsi vous en convenez et vous avez parlé enfin. Comment, du reste, ai-je pu hésiter un moment, pourquoi a-t-il fallu ce pauvre mot à grand'peine arraché pour me faire admettre ce que depuis longtemps je savais! Ah ! comme je comprends tout à présent, ce qui me torturait, ce qui m'indignait en vous, votre cruauté, votre indifférence : oui, vous aviez peur, peur de montrer votre faiblesse, et que vous aussi vous étiez touché. Tout était fait pour m'avertir, et je ne voyais rien. Aveugle que j'étais et lâche moi aussi, car il y a beau temps que j'aurais dû agir, mais tout m'arrêtait. Si vous saviez de quelle crainte, de quel respect je me sentais pénétrée en votre présence ! Deux fois, il est vrai, j'ai bien pensé vous surprendre. Au Casino d'abord, ce soir de concert où je vous ai trouvé auprès de Paulette et de Boboli. Un mouvement impulsif en vous voyant m'a entraînée. Je n'ai pu me retenir de vous provoquer. Vous m'avez regardée alors et je suis demeurée confondue de ce qui m'était apparu en ce moment dans vos yeux. Vous souvenez-vous ensuite de ce jour où je suis allée vous chercher dans le Parc ? L'incertitude, le doute me rongeaient. Cependant, dès que je me vis seule avec vous, je ne sus que vous dire. Des sarcasmes, des paroles irritées et offensantes, voilà tout ce qui me montait aux lèvres. Et puis j'ai rencontré votre regard. Et à nouveau j'y ai retrouvé l'effusion involontaire et comme furtive qui, l'autre soir, m'avait tout à coup éclairée. Même vous avez dit : " Vous étiez donc venue pour me tenter ? "

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