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SUR LA CRITIQUE AU THÉÂTRE
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investi, à l’égal du poète, d’une fonction créatrice, digne de collaborer au même œuvre que lui et de porter, comme lui, la responsabilité de la culture.

Stendhal écrivait : " Il est impossible pour des Français habitant Paris de dire la vérité sur les ouvrages d’autres Français habitant Paris. " Et je me rappelle le mot d’un critique à qui je reprochais d’avoir poussé peut-être un peu trop loin la louange d’une pièce récente. Il me répondit : " Eh, mon cher, sans cela on ne pourrait pas vivre ! "… Noterai-je, en passant, que le ton de la politesse régnante a peut-être faussé celui de la critique } La correction et même la cordialité passent maintenant pour froideur et dédain. Il y a dans les relations les plus extérieures un surcroît de dépense amoureuse, une surenchère de termes enthousiastes. Des gens qui se connaissent d’hier s’abordent avec des mines convulsées par l’émotion, et de grands cris et de grands gestes et de protestations chargent « la fureur de leurs embrassements »… Etonnez-vous, après cela, qu’un auteur se plaigne de rester méconnu s’il ne marche l’égal, dans la faveur publique, de Racine ou de Shakespeare ! On a bien vu certain jeune homme invectiver certain critique qui lui causait grand dommage pour ne l’avoir pas assez loué !