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306 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Tenez : lisez-la devant moi, dis-je en tirant la lettre de ma poche ; je veux apprendre de quel œil un abbé lit une lettre d'amour.

Mais, de nouveau maître de lui, il ne laissait paraître son émotion qu'à l'irrépressible titillement d'un petit muscle de sa joue. Il lut ; puis huma le papier, renifla, en fronçant âprement les sourcils de manière qu'il sem- blait que ses yeux s'indignassent de la gourmandise de son nez ; puis repliant le papier et me le rendant, dit d'un ton un peu solennel :

— Ce même 22 Octobre mourait le Vicomte Biaise de Gonfreville, victime d'un accident de chasse.

— Vous me faites frémir ! (mon imagination aussitôt construisait un drame épouvantable). Sachez que j'ai trouvé cette lettre derrière une boiserie du pavillon où certainement il eût du venir la chercher.

L'abbé m'apprit alors que le fils aîné des Gonfreville, dont la propriété touchait à celle des Saint-Auréol, avait été retrouvé sans vie au pied d'une barrière qu'apparem- ment il s'apprêtait à franchir, lorsqu'un mouvement mala- droit avait fait partir son fusil. Pourtant, dans le canon du fusil ne se trouvait pas de cartouche. Aucun renseigne- ment ne put être donné par personne ; le jeune homme était sorti seul et personne ne l'avait vu ; mais, le lende- main, un chien de la Quartfourche fut surpris près du pavillon léchant une flaque de sang.

— Je n'étais pas encore à la Quartfourche, continua- t-il, mais, d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, il me semble avéré que le crime a été commis par Gratien, qui sans doute avait surpris les relations de sa maîtresse avec le vicomte, et peut-être avait éventé son

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