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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Dans un moment où Racine soulève tant de polémiques, il pourra paraître intéressant de relire ce que dit Musset dans ses êMélanges de Littérature .•

" Quel que soit donc notre respect pour les écrivains du grand siècle, nous sommes dans d'autres conditions qu'eux ; nous devons faire autre chose que ce qu'ils ont fait ; mais quoi ? c'est là la question. Voltaire essaya le premier, dans Tancrède^ de créer une tragédie vraiment moderne. Il crut avoir complètement réussi, et il ne se trompait pas tout à fait... Si la tragédie reparaît en France, j'ose avancer qu'elle devrait se montrer plus châtiée, plus sévère, plus antique que du temps de Racine et de Corneille. Dans toutes les transformations qu'elle a subies, dans tous les développements ; dans toutes les altérations qui l'ont dégradée, il y avait une tendance vers le drame. Lorsque Marmontel proposa de changer les décorations à chaque acte ; lorsque l'Ency- clopédie osa dire que la pièce anglaise de Beverley était aussi tragique qu Œdipe ; lorsque Diderot voulut prou- ver que les malheurs d'un simple particulier pouvaient être aussi intéressants que ceux des rois, tout cela parut une décadence, et tout cela n'était que la préface du romantisme. Aujourd'hui le drame est naturalisé français ; nous comprenons Goethe et Shakespeare aussi bien que M"® de Staël ; l'école nouvelle n'a encore, il est vrai, produit que des essais, et son ardeur révolution- naire l'a emportée, comme dirait Molière, un peu bien loin ; mais nous ferons mieux plus tard, et ce fait reste accompli. "

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