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Nos conversations étaient de beaux dialogues,
Ardents et mesurés ainsi quau temps des Grecs,
Et la diversité de nos voix exprimait
L'accord originel de raisons analogues.

Te souvient-il encore de nos heureux échanges.
Et quand nous ramenions, après avoir suivi
Tous deux notre pensée plus loin que notre vie,
La divine Amitié entre nous comme un Ange ?

Camarade ! je te salue par ce beau nom.
La vie à notre joie s’ouvrait comme une rade ;
Je pense à la gaieté qu avaient nos promenades,
A tous les mouvements de nos réunions.


V


O mon jeune conseil et mon maître charmant,
Cher tuteur pondéré qui règle et qui rudoie.
Tu étais ma prudence et j’étais ton tourment ;
Tu n'aimais pas toujours ma chaleur et ma joie.
Car l'amitié était pour ton esprit sévère
Le cloître grave et nu où vont deux solitaires.

Mais si tu m’as rendu plus réservé, plus sage.
Posé dans le séjour, plus lent dans le voyage.
Je t’ai communiqué ma chaude passion.
Tu étais mon renfort, j’étais ton oriflamme.
J’ai allumé pour toi, au sommet de notre âme.
Les feux spirituels de l’exaltation.