Page:NRF 6.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

34^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

n'étaient illuminés que des rayons du soleil, et vous ne deviniez pas ce qui me faisait si silencieux. Vous souvient-il qu'un voilier passa dans le soleil au moment où son bord inférieur touchait celui de l'eau ? La silhouette du bateau profilée tout entière sur le disque rouge, il le traversa lentement, marquant le temps comme une horloge fantastique. Un peu plus bas que nous, sur le flanc du pro- montoire, le village grec se disposait suivant la courbe régulière de la montagne. Les deux églises, symétriques, se répondaient comme les versets d'un psaume. — J'ai souvenance de jardins dans la nuit, ils étaient touffus et savoureux, pareils à des jardins du Nord — d'une jeune fille qui s'ap- pelait Gracieuse et qui était très belle. Les gens de Cargèse ne ressemblent pas aux autres habitants de la Corse. Leur type grec dans cette colonie des Génois, s'est conservé assez pur et l'on y voit des adolescents merveilleux. Il y a des ruines fran- çaises du i8^ siècle. L'amant de Mademoiselle de Lespinasse sans doute a séjourné ici. Y aurait-il médité, et avec quel visage intérieur, lui qui n'aimait pas, telle des lettres où ce cœur irrassa- siable prenait prétexte de lui pour se consumer de ferveur et de tristesse ?

Le promontoire qui supporte Cargèse sépare le golfe de Sagone de celui de Porto. Il est en forme de crête douce, et légèrement recourbé vers le sud.

�� �