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d'une section d'infanterie 461

Le vent frais de septembre courait entre les herbes. Le lieutenant laissa une demi-heure aux réservistes pour se refaire, et prit soin d'éviter qu'ils en eussent le soupçon. Il savait, cet homme, ce qu'il faut donner à la bête et refuser à l'esprit. Il les tint attachés à son coup de sifflet vingt minutes de plus qu'ils ne s'y attendaient et lorsqu'il leva le bras, les réservistes étaient reposés et inquiets.

Il groupa les sous-officiers et fit mine de leur donner des instructions minutieuses. Et pendant qu'il parlait, son regard jaune que le verre du binocle rendait plus géné- ral, considérait ces mines allongées d'instituteurs et d'employés qui ne pouvaient rien avec lui que de croire qu'ils pouvaient. Ils étaient de la même pâte que les autres ; il avait à les brasser en même temps que le reste, et il n'avait pour lui, dans cette besogne, que l'instinct du sang et le secours efficace du vent matinal.

Ils rompirent les faisceaux et s'alignèrent tant bien que mal en file sur deux rangs. Il suivit lentement leur front, et plus lentement leur dos. Ils le sentirent individuelle- ment passer chacun derrière soi, venant de la gauche et s'écoulant à leur droite ; chacun se demanda, pendant un espace de temps appréciable, s'il allait s'arrêter à cause de son propre sac ou de sa propre cartouchière. Menus objets qui revêtirent dès lors une importance insoupçon- née. Il reparut sur leur côté comme un soulagement. Les gradés l'épiaient, avec une certaine angoisse de ce que cet homme basané et muet allait bien exiger de leur initiative. Le silence s'était établi sans qu'il eût fait une recommandation. Et machinalement les maxillaires infé- rieurs s'étaient raidis en dessinant des profils surplombant au-dessus des cols.

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