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522 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Lourdin, il faut que je monte dans ma chambre : tu vas garder mon bureau.

(Elle avait un petit cabinet de surveillante entre les deux salles d'étude). Je dis :

— Oui, Mademoiselle.

— C'est ça. Assieds-toi là... Dis, si tu t'ennuies, veux- tu que je fasse venir une de tes petites camarades pour te tenir compagnie ?

— Oh ! oui. Mademoiselle.

— Laquelle ?

J'allais répondre " Kessler. " Mais quelque chose dans son regard m'arrêta. Il me sembla qu'elle lisait ma pensée et qu'elle attendait ma réponse pour éclater de rire. Alors je nommai une mauvaise élève de ma classe, qui était stupide et tapageuse et qui me taquinait parfois...

Il y eut des mois où ma vie fut remplie par le souci de voir Rôschen, et l'espoir de lui rendre, si l'occasion s'en présentait, quelque grand service. Mais j'étais trop timide pour lui faire des avances.

C'est quand je ne la voyais pas que je me sentais le plus près d'elle. Vous ai-je dit qu'elle était une bonne élève ? Oui, cette année-là encore, elle eut tous les prix de sa classe. Pour cela seulement j'aurais souhaité d'être une bonne élève. Mais il m'était impossible de me plier à un travail régulier. Je l'admirais, elle, d'être en même temps une jolie enfant insouciante et une élève studieuse. Quel avenir l'attendait ? Elle deviendrait une savante illustre ou une grande artiste ; sa beauté et son génie éblouiraient le monde ; et moi, dans une obscurité pro- fonde, je serais son amie bien-aimée, la confidente de toutes ses pensées. Mais dès maintenant j'étais fière de l'aimer.

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