peu de sang au visage que je croyais n’avoir plus de bleu dans les yeux. Je voulus dire : Mademoiselle ! et je ne pus ; mais d’elle-même alors elle s’alarma, rejeta son livre, et s’agenouilla devant mon fauteuil en criant mon nom ; je crois qu’elle me secoua. Mais j’avais toute ma connaissance. J’avalai ma salive deux ou trois fois de suite avec l’intention de raconter.
Mais comment ? Je fis un indicible effort sur moi-même, mais il n’y avait pas moyen de m’exprimer de manière à ce que l’on comprît. Si seulement il y avait des mots pour un tel événement, j’étais trop petit pour les trouver. Et soudain me saisit une angoisse ; ces mots, pourtant, au-delà de mon âge, ils existaient peut-être, et que je dusse un jour les dire me parut plus terrifiant que tout. La réalité de là-dessous, la représenter une seconde fois, modifiée, conjuguée, depuis le commencement ; m’entendre l’admettre — de cela je n’avais plus la force.
C’est une imagination, bien entendu, d’aller prétendre à présent que, à ce moment déjà, j’aurais pu sentir que quelque chose venait d’entrer dans ma vie, précisément dans la mienne, avec quoi j’allais devoir m’en aller seul, toujours et toujours. Je me revois couché dans mon petit lit-cage, ne dormant pas mais, je ne sais comment, pressentant confusément qu’ainsi serait la vie : pleine de choses tout étranges, à l’intention d’un seul et qui ne se