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562 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tion. Dans la réalité Chesterfield se montra plus coura- geux, il avait un petit neveu, un Stanhope, dont il était le parrain, il l'adopta pour assurer la transmission du nom et des biens. Par superstition ou par souvenir, il «ntreprit à soixante-treize ans l'éducation de cet enfant : peut-être trouvait-il quelque consolation à récrire pour son filleul tous les conseils qu'il avait déjà prodigués, inutilement, à son fils. Cette seconde correspondance, que Lord Carnar- von a publiée en 1890, est loin d'offrir l'intérêt de la première, elle en est, pour la plupart, la réplique et d'ail- leurs l'âge de l'élève (qui n'avait que quinze ans quand son parrain mourut) s'y prêtait moins.

La destinée qui s'acharnait à traverser tous les projets de Chesterfield lui réservait un dernier déboire qu'heu- reusement il ne vit point. Ce filleul dont il espérait tant, cet héritier du nom de Chesterfield, de la belle maison de South- Audley Street, des beaux châteaux de Bretby et de Blackheath, n'était qu'un rustre. Il vécut obscurément sur ses terres et ne s'attira d'autre renommée que celle d'avoir été un des hommes les plus grossiers de son temps.

Si la gloire posthume doit être achetée aux dépens du bonheur on peut dire que Lord Chesterfield mérite celle qu'il a obtenue. Il serait seulement à souhaiter que la destinée ne soit pas injuste pour lui éternellement et que cet homme qui avait du cœur et des sentiments, puisqu'il s'occupait sans cesse h les refouler, cet homme qui n'a été séducteur, sceptique et indifférent que pour la galerie, fût enfin absous de cette réputation d'immoralité que ses ennemis mirent trop d'empressement à lui faire et la

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