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570 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

que parce que, par abus, ils portent le nom de plaisirs. Ils s'y trompent même souvent, au point de prendre la débauche pour le plaisir. Avouez que l'ivrognerie qui ruine également la santé et l'esprit est un beau plaisir ! Le gros jeu qui vous cause mille mauvaises affaires, qui ne vous laisse pas le sou, et qui vous donne tout l'air et toutes les manières d'un possédé, n'cst-il pas un plaisir bien exquis ? La débauche avec les femmes, à la vérité, n'a guère d'autre suite que de faire tomber le nez, de ruiner la santé et de vous attirer de temps en temps quelques coups d'épée ; bagatelles que cela ! Voilà cependant le catalogue des plaisirs de la plupart des jeunes gens qui ne raisonnent pas par eux-mêmes, et qui adoptent sans discerne- ment ce qu'il plaît aux autres d'appeler du beau nom de plaisir. Je suis très persuadé que vous ne tomberez pas dans ces égarements et que, dans le choix de vos plaisirs, vous consulterez votre raison et votre bon goût. La société des honnêtes gens, la table dans les bornes requises, un petit jeu qui amuse sans intérêt, et la conversation enjouée et galante des femmes de condition et d'esprit, ce sont les véritables plaisirs d'un honnête homme qui ne causent ni maladie, ni honte, ni repentir. Au lieu que tout ce qui va au delà devient crapule, fureur, qui, loin de donner du relief, discrédite et déshonore.

{Lettre LXXX — 2^ février 1747 — écrite en français).

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