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une miniature. L’ayant haussée sous la lumière d’un falot, je vis une jeune femme, la tête casquée de cheveux d’un blond roux, le sein découvert à la manière des déesses, et si belle, que mon cœur se mit à battre avec violence. Un feu sensuel m’envahit, et il me sembla que pour un baiser de ces lèvres arquées, je donnerais sur l’heure le paradis de Mahomet.

Tout ce que l’Italien venait de me conter me sembla du coup vraisemblable. Je riais de mes ridicules soupçons. Le pauvre diable me regardait avec les yeux avides d’un chien à qui on tarde à jeter un os qu’il convoite. La miniature tremblait entre mes doigts, mais j’eus assez de fermeté pour ne pas m’abandonner sur l’heure à mes sentiments. Je me souviens que je me fis à moi-même l’effet d’un profond diplomate parce que, d’une voix que je m’efforçais de rendre indifférente, je parlai à Giacomo comme il suit :

— Giacomo, demain nous arriverons à Tripoli. Tu me présenteras à ta dame et, si tes dires sont confirmés, je te promets de la faire évader. Je suis riche, noble, puissant…

Mon compagnon courba l’échine et, me prenant les mains, il les baisa avec des démonstrations presque serviles tout en s’écriant : “ Enfin ! je trouve un homme ! ”

Nous arrivons à Tripoli dont respect pacifique me désillusionne, mais je reçois de Giula des pages qui m’entraînent définitivement dans l’aventure.

Cette nuit-là, je fus longtemps avant de m’endormir. J’avais sans cesse à l’esprit ma Vénitienne, avec sa chevelure de flamme, son sein aux contours suaves, sa bouche