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MOTES 617

Pologne et qu'à tous les crûs de Bourgogne il préféra le Dhambertin. — C'est intéressant parce qu'il s'agit d'un des plus grands hommes qu'il y ait eu ; et peut-être Napoléon

st-il le seul dont il soit tolérable qu'on nous rapporte de si

petites particularités. Mais, à plus forte raison, aurons-nous de la reconnaissance pour un historien qui, au lieu de se contenter de rassembler ces menus détails, applique son intel- ligence à raconter clairement, véridiquement, une période, la plus émouvante période de la vie militaire de Napoléon. Henri Houssaye avait choisi un beau sujet d'études. Il s'est appliqué modestement, et c'est ce dont il faut le louer, à en bien éclairer toutes les parties.

A quoi tient enfin ce prestige que Napoléon exerce encore sur nous ? Nos aînés, qui autant que nous lisaient Stendhal, sappliquaient à copier Bonaparte. Leur jeune ambition ad- mirait cet heureux modèle, et de Napoléon, ce qui les enivrait le plus, c'est le beau succès. Ce bonapartisme à la JuUen Sorel vit encore — moins tendre, peut-être, plus sec et plus exi- geant — dans les Déracinés de Maurice Barrés. Qu'on se rappelle la visite des jeunes Lorrains au Tombeau des Inva- lides... Nous n'avons pas les mêmes grands désirs que nos aînés. Nous avons, plus qu'eux, le sentiment des mille ré- sistances qui aujourd'hui limitent chaque destinée. Et nous sommes plus curieux de ce qui nous arrête, qu'avides de ce qui nous sert. C'est seulement quand nous sentons qu'il nous résiste que nous avons conscience de toucher le réel. Et donc nous ne sommes plus jaloux de Napoléon ; mais nous avons encore pour lui un grand amour. C'est précisément sa défaite finale qui est admirable : on sent mieux la grandeur, la solidité de ce qu'il a fait quand on sait ce qu'il rêvait de faire encore, et que le sentiment du manque, le désir d'un empire en Orient, une constante inquiétude ont pendant toute sa vie, dès le début de sa gloire, comme au moment le plus impérial de sa maturité, empêché ce vainqueur de goûter la satisfaction dans sa plénitude. De plus, sa douloureuse agonie, dans notre esprit le réconcUie avec Beethoven ; mais ne le diminue pas, je veux dire ne le christianise en rien. Car sa mort est moins

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