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672 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pierres où les mulets buttent; du moins, alors, on ne sent plus le vent âpre et sec qui souffle sur le plateau, mais on le retrouve au sommet et durant la descente qui, morne- ment, nous ramène à quelque profonde crevasse fouillée par les eaux, à un lit de torrent tout encombré de rochers. Pendant trois heures, le même décor se prolonge autour de nous, solitaire et maussade. Les hommes qui me suivent ont cessé de parler. A cause de la brise, ils ont revêtu le bernous noir, remonté jusqu'au nez. Pour secouer l'ennui, parfois je mets pied à terre, tous à l'instant m'imitent, ainsi que l'exige l'étiquette ; mais la marche parmi les cailloux et les ronces, au long d'une côte malaisée, a tôt fait de me rebuter. Je remonte sur ma bête, continue avec lassitude de gravir la colline, assuré de découvrir de l'autre côté un paysage pareillement étroit et monotone. Durant ces trois heures, pas aperçu un passant. Pas un troupeau, et d'ailleurs que mangerait-il ? Pas une aile blanche d'oiseau au-dessus des fourrés... Mais qu'il est beau, à ma droite, le Zoucouala bleu ! Dégagé des menues hauteurs qui, hier encore, en masquaient les abords, il dresse dans le ciel son cône ample et pur, creusé autrefois par les coulées de laves. Et puis, il y a aussi cette limpide, cette cristalline lumière dont la finesse semble faire la chaleur moins pesante : mais au long de cette hargneuse étendue, sa vivacité languit; trop souvent, du reste, il faut baisser la tête sous le vent qui cingle et cheminer les yeux fermés, à l'aveugle.

Passé le noeud montagneux de Debogodjo, qu'à peine on remarque parce que nous le contournons à flanc de coteau, la route suit une plaine en pente, s'enfonce ensuite dans une gorge rocheuse, rapide, où les mimosas

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