Page:NRF 6.djvu/705

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Contemple avec amour tes flottantes collines
Ces épaves du soir sur l'océan des jours ;
Dormeur environné d'apparences câlines,
Laisse de ton destin s'effacer les contours
Avec le doux profil des lointaines collines.

Qu'elle m'apparaît grande et maternelle et sage
Celle qui doit un jour t'endormir sur son sein !
Une noble pensée éclaire son visage :
Son doux souffle, surpris par le froid du matin,
Monte en nuages purs. Ô maternelle, ô sage !

Quel dieu t'a donc promis des heures plus réelles ?
Quel froment te faut-il pour apaiser ta faim ?
Aime les cœurs changeants et les pierres mortelles
Et ces grands souvenirs qui, semblables au vin,
Peuplent ton cœur dormant de formes irréelles.

Ce que nous pressentons, il ne faut pas le dire ;
Nos frères et nos sœurs ne le comprendraient pas.
Gardons-nous de mêler à leur danse, à leur rire
L'écho surnaturel des accents de Là-Bas...
Ce que nous pressentons, il ne faut pas le dire. "

Il se tait et confie à la vague apaisée
De mon sein le sommeil de sa tête d'enfant,
Léger comme ces vents qu'à travers leur rosée
Baisent les jeunes fleurs. Sur mon sein maintenant
Il dort comme le ciel sur la vague apaisée.

O. W. Milosz.


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