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Page:NRF 6.djvu/76

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JO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Des groupes congestionnés, les pantalons bordés d'un large galon de poussière blanche, dépassaient le Voyageur. Un tapage éclatant de discussion les enveloppait. Mais les mots n'avaient pas de sens pour lui. Il regardait autour de soi et sentait le poids de ses paupières ; il sentait aussi sa solitude.

La deuxième rue à gauche, lui avait-on dit. Par une dernière répugnance, il inventa différents prétextes pour traîner.

Assurément il était bien dégagé des préjugés imbéciles. Les bêtises de la Lihre Parole ne prenaient plus sur lui. On ne roule pas vingt ans sa bosse sans... et il en avait connu de fort bien, un Chimène, de Cerbère, entre autres, un grand vieillard osseux qui faisait tenir trois billes de billard dans sa main, et qui centralisait toutes les affaires de contrebande de la région ; un homme qui n'avait jamais fait tort d'une demi-piècette à âme qui vive, sinon à l'Etat espagnol ; mais celui-là, il prenait une joie âpre à le dépouiller ; une revanche de quinze siècles passait dans les éclats de sa voix décharnée, quand il déclarait, avec son accent catalan, coriace et velouté comme une pêche verte : '* Douze milliongs que je lui ai repris, à cette couenne de majesté catholique, douze milliongs en douze angs, ung petit par ang ! "

Mais de là à s'en aller mendier, ou tout comme, une place à la table d'un youpin — on a beau être un esprit fort, il y a de vieux levains de suspicions qu'on n'empêche pas de remonter. Il respirait par avance des odeurs mal définies qui lui levaient l'âme. Sait-on quelle cuisine étrange de Galicie ou d'Alsace il allait trouver ?

Il y fut avant de s'être décidé à s'y rendre. Il vit au

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