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la nouvelle revue française



D’après le sol changeant, il ruse ou bien s’exalte ;
Il se prouve, rapide ou lent, brusque ou sournois ;
Son chemin, tour à tour, est sinueux ou droit :
Il connaît le détour, mais ignore la halte.


Et dès le printemps clair, si quelque tronc ardent
Étage auprès de lui ses branches graduées,
Vite, il l’assaille et mord son écorce imbriquée
Avec l’acharnement d’un million de dents.


Humble et caché jadis sous la terre âpre et nue
Son travail aujourd’hui se fait dominateur,
Il s’adjuge l’élan, et bientôt la hauteur
De l’arbre qu’il étreint pour monter jusqu’aux nues.


Il frémit de lumière et s’exalte de vent.
Sa force est devenue ardente et fraternelle,
Son feuillage léger comme un vêtement d’ailes
Le soulève, le porte et le pousse en avant.


Chaque rameau conquis lui est support et proie.
Pourtant, ayant appris sous terre à se dompter
Au point de ne lâcher jamais sa volonté,
Il est si sûr de lui qu’il domine sa joie.


Toujours il tord à point sa multiple vigueur
Fibre après fibre, au creux des moindres fentes
Et n’écoute qu’au soir tombant les brises lentes
Chanter en lui et l’émouvoir de leurs rumeurs.