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m’enfermer une discipline sans périls, je ne le préfère pas toujours à cet appel sauvage que me jette un Dostoïevski, et qui vient déprendre mon âme d’une quiétude et d’un contentement où elle ne s’exerçait plus.

Ceux qui ne sont jamais sortis des beaux jardins ; comment ne se sentiraient-ils pas de jour en jour plus épris de cette splendide ordonnance, plus emprisonnés par elle ; plus éduqués, plus accablés par le génie des ancêtres ? Comment ne penseraient-ils pas : tout a été fait, et : tout est dit ?

Mais si leur âme est encore vivante, elle entendra quelque jour la voix même des ancêtres, la voix des créateurs, de ceux qui, défrichant la sauvagerie, ont fait régner sur elle la belle ordonnance des jardins. Et cette voix leur dira :

Qu’est-ce que la beauté du plus beau des jardins français, au prix de la beauté du monde ? Qu’est-ce que cette beauté parfaite, au prix de toutes les beautés dont le signe et l’expression n’ont pas été trouvés, au prix de toutes les choses inconnues ? Toutes les beautés que proposait la sauvagerie ne se sont point renoncées dans cet accomplissement que voici. Toute la beauté dont l’homme est capable ne s’est pas inscrite ici.

Tout n’a pas été dit, tout n’a pas été fait. Il nous reste un long travail à entreprendre, un long et dur travail, de beaucoup de jours et de beaucoup de peine. C’est le fonds qui manque le moins.