Page:NRF 7.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

394 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Chaque mot de cette longue lettre, de cette plainte quasi musulmane, venait rappeler à ma mémoire mille propos contraires que j'avais entendus. Qu'aurions-nous fait en Algérie sans l'appui de ces étrangers qui indi- gnaient si fort mon ami ? Que serions-nous devenus si nous n'avions pu compter que sur la main d'oeuvre indigène ? Dormir le long d'un quai, au fond d'une boutique, dans l'ombre des cactus ; arroser de temps en temps un misérable jardin ; remuer un peu de terre ; prier, mentir et voler, prendre les défauts de ses maîtres et aucune de ses vertus, l'Arabe sait-il faire autre chose ? Nous avons été trop heureux d'accueillir ces Calabrias. C'est leur travail qui est enfermé pour toujours dans les quais et dans le môle d'Alger, dans les tranchées et les remblais de nos chemins de fer, dans les vignobles et dans les routes qui mènent vers le Sud. Ces jardiniers qui soignent avec tant de patience les vergers de la Mitidja, ce sont des Mahonnais ; ces pêcheurs dont on voit sortir les barques par les plus mauvais temps, ce sont des Siciliens ; ces conducteurs de prolonges qu'on rencontre sur tous les chemins et qui chantent aussi leur chanson, qui n'est pas la chanson arabe, ce sont des gens de Valence et de Murcie. Ne disons pas : c'est une sale écume que l'Espagne et l'Italie ont rejetée sur nos bords ; ne leur reprochons pas d'être pauvres et de s'abattre chez nous comme la misère sur le monde. Hé ! s'ils étaient millionnaires, ils ne seraient pas venus ici. En traversant la Méditerrannée ils ont subi comme un nouveau bap- tême. Ils arrivent sans chef, sans argent, avec la seule force de leurs bras. Notre petit groupe français les reçoit, les encadre. Ils ne demandent qu'à oublier une terre qui

�� �