Page:NRF 7.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

400 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le moindre bruit mettait en fuite tous ces oiseaux sauvages...

Ici, plus de maisons, la terre a trop de prix ; un dédale de petits murs de terre sèche ; des milliers de vergers secrets. On est dans la forêt des dattiers. A dix mètres au-dessus du sol leurs palmes recourbées se joignent et forment un dais verdoyant entre le ciel en feu et la tiédeur humide qui monte de la terre. Pas de fleurs, rien que des verdures. Elles vous retiennent et vous arrê- tent ; il faut courber la tête sous les berceaux de vignes pour éviter la grappe qui vous frappe au visage ou le fruit géant du concombre qui se suspend au grenadier; le sol disparaît sous les felfels, les poivrons, les melons d'eau, mille plantes familières ou inconnues ; un puissant parfum de menthe sort de la terre mouillée ; le vert bleu du figuier se marie au vert foncé de l'abricotier vivace, l'oranger et le citronnier mêlent leurs feuilles au laurier noir et à l'amandier d'argent ; et toujours jaillissant de ce peuple pressé, les grands dattiers s'élancent et portent dans le ciel leurs palmes d'un gris bleu.

Quels soins il a fallu pour maintenir ici sous ce climat torride cette végétation luxuriante. A deux pas le désert, le grand pays brûlé, où rien ne bouge que la lumière qui tremble. Comme on comprend sous ces verdures le désor- dre passionné de la poésie arabe et son éternelle promesse de paradis verdoyants ! Le bonheur d'une race respire dans ces vergers. On croit le toucher de la main, on croit l'entendre qui murmure dans cette eau si bien distribuée, qui s'en va répandant partout son mystère de fraîche vie. Elle est l'âme du lieu, et dans tous ces jardins qu'aucun souflle n'anime, la seule chose mouvante. Elle entre sous

�� �