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402 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ni l'usage, à de vieilles sorcières dévoilées et à des juives au teint pâle. De graves personnages, accroupis sur des nattes, bavardaient en buvant l'épais café au sucre ou le thé à la menthe ; d'autres jouaient aux dames. Des chameaux habitués aux grands espaces vides, surpris de se trouver entre les murs des rues, poussaient leur cri atroce et rebroussaient chemin dans une indescriptible mêlée de longues pattes et de longs cous. Des femmes parées comme des châsses, avec des plumes sur la tête et des colliers de louis d'or se tenaient devant leurs portes, attendant le client qui passe. Des artisans, dans leurs échoppes, se livraient en silence à des menus travaux ; ils travaillaient comme on rêve, comme on fume une cigarette ; ni mon passage ni ma curiosité ne leur faisaient lever les yeux de la babouche ou du bijou sur lequel ils étaient penchés ; chacun d'eux avait près de lui un petit animal ou quelque objet charmant, — celui-ci deux fleurs dans un vase, celui-là une gazelle, cet autre un beau geai bleu; ils ne regardaient pas plus la fleur, la gazelle ou l'oiseau, qu'ils ne s'occupaient de moi, mais ces présences légères formaient autour d'eux un charme dans lequel ils semblaient vivre. A quoi songeaient-ils ainsi, ces ouvriers silencieux ? Quel songe secret poursuivaient- ils, de religion ou d'amour ?... Echappés du Coran et vifs comme des lézards excités par la chaleur, des enfants se bousculaient dans mes jambes, tourbillonnaient autour de moi avec des cris d'hirondelles au crépuscule, tandis que leurs petites sœurs, un chiffon sur la tête, une étoile bleue sur le front, un bijou puéril au bras, et dans leurs yeux déjà peints un éclat inoui de coquetterie et de malice jouaient gravement aux osselets, accroupies dans la poussière...

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