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fonctionnaires indigènes. Tous sans exception furent changés, depuis l’Agha, chef des Caïds, jusqu’à la caporale des Ouled-Naïls, la maligne Saadia Bent el Mihoub, la pauvre vieille chargée de conduire les filles à la visite, de nettoyer mes instruments et d’interdire la porte du dispensaire aux amants trop pressés de se contaminer près des femmes. Partout on leur substitua ce qu’il y avait de plus taré dans la population arabe, ces Musulmans dégénérés dont les vices justifieraient les plus violents arabophobes. Et par exemple, ils choisirent pour Caïd de Ben Nezouh un certain Ben Dif Allah, dont le nom peut se traduire par Fils de l’hôte de Dieu, et dont voici, autant qu’il m’en souvient, les états de service :

Petit voyou de la place, domestique d’une prostituée, qu’il remplaçait à l’occasion lorsqu’elle avait trop d’ouvrage, il avait été dès l’enfance initié à tous les mystères de l’amour, si nécessaires à connaître pour qui veut avoir une influence en pays oriental. Puis il était devenu Caïd des Caoueds, c’est-à-dire Grand Entremetteur. Dans ce métier il avait fait rapidement fortune, prêtant de l’argent aux femmes, se faisant payer par leurs amants, organisant des guet-apens chez les filles, en sorte qu’il fut bientôt plus riche que le Marabout lui-même. C’est aujourd’hui le plus décoré des fonctionnaires indigènes : il a reçu la médaille militaire, puis la croix, pour services exceptionnels ; il offre de grandes diffas aux députés et sénateurs de passage, ce qui l’enrichit encore, car c’est la tribu qui paie, et s’il lui faut un mouton il en demande cinq et il en garde quatre. Récemment il a fait un voyage à Paris, s’est affilié à une loge, du rite écossais s’il vous plaît ; il en est revenu grand officier de la légion