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652 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

monde. Les deux femmes inquiètes écoutèrent à la porte. Elles frappèrent, crièrent d'ouvrir. Personne ne leur répondit. Elle ameutèrent alors les gens. Tout à coup la porte s'ouvre, et le Joyeux s'élance un couteau à la main. Aïchouch tomba sous un coup qu'il lui porta à l'épaule ; la vieille eut deux doigts coupés en voulant saisir la lame. Un Nomade réussit à maîtriser le forcené dans ses bras. On trouva l'infortunée Zohira couchée sur son tapis, la gorge ouverte, et dans la plaie, un louis d'or de son collier enfoncé par le couteau.

Au commissariat de police, on ne put rien tirer du soldat. Son Commandant qui survint n'obtint de lui aucune réponse. " Misérable, lui cria-t-il en le frappant de sa cravache, tu déshonores le bataillon ! " Ce beau geste resta sans effet. L'autre continua de faire le muet, l'abruti, l'irresponsable.

Et cependant son crime avait été bien médité. S'il avait tué la malheureuse sans qu'elle poussât un soupir il s'emparait de ses bijoux, les — bijoux que je lui avais donnés ; il sortait furtivement dans la nuit, rentrait à la caserne avant l'appel et fournissait un alibi. Il laissait près de sa victime un couteau indigène ; les soupçons naturel- lement se portaient sur les nomades. Un seul détail lui avait échappé : il avait aiguisé son couteau à la manière française.

Et maintenant, acheva mon ami, je suis sans désir, sans regret, sans révolte. Quand le faucon est pris au piège, l'oiseau noble ne se débat pas. Je ne demande plus rien à la vie que ce que peut apporter de bonheur le lever et le coucher du soleil, une nuit étoilée, la flûte de roseau, une chanson arabe et la récitation du plus

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