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CHRONIQUE DE CAERDAL 677

hardi et de proportions admirables, tandis que ses neveux n'ont laissé que de misérables simulacres en terre ou en boue ; et plus ils y veulent donner des formes colossales, mieux on voit que ce ne sont que des figurines. C'est que Chateaubriand avait l'imagination à la hauteur de son amour propre.

��Plein de désir, toujours déçu ; se vidant comme un mort de tout ce qui le comble ; aspirant à la passion et à la vie bien plus qu'il n'était capable d'en jouir et de vivre ; retranché en soi, ramenant tout à soi ; d'une complaisance à soi-même sans limites et d'ailleurs sans bonheur ; ne goûtant tout à fait de soi que sa victoire sur les autres ; l'un des hommes qui se comparent le plus pour vaincre, et qui, dans le secret du cœur, se dessèchent le plus sur leur propre triomphe ; d'un orgueil insatiable dans le mépris des autres, et rassasié de se connaître jusqu'au plus profond ennui ; moins égoïste même que solitaire du néant. Chateaubriand devait porter le sentiment de la mort à cet excès de présence, où il touche d'un bord à la passion, et de l'autre à la manie.

Impossible à satisfaire, étant si personnel et d'un si dur noyau, ce moi que rien n'entame et qui demeure seul dans le torrent universel de la nature, il goûte pourtant à sa source de cendres :

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