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714 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

voir dictatorial ; malgré une orientation politique de la France propre à froisser la sensibilité alsacienne et à décourager toutes les espérances des provinces annexées. La victoire, c'est un équi- libre social retrouvé à force d'obstination, de bon sens et de courage ; c'est le renoncement aux chimères héroïques et l'inau- guration d'une politique avisée qui, grâce à sa légalité même, peut passer de la résistance passive à une offensive efficace. La victoire tient tout entière dans ce fait : la langue française est aujourd'hui plus répandue en Alsace qu'elle ne l'était avant la guerre, et la germanisation qui par son appareil imposant avait fait illusion quelques années, ne peut plus dissimuler son échec.

MM. Dumont-Wilden et Souguenet n'ont pas mené leur enquête comme ces Parisiens qui passant une journée à Stras- bourg et une autre à Mulhouse, se croient documentés parce qu'ils ont causé avec quelques Alsaciens. Nos deux Belges ont fait leur voyage à bicyclette, de Metz à la Schlucht, Ils ont vécu dans les auberges de village, cherchant à entrevoir les milieux immigrés aussi bien que les indigènes. Livré à lui- même, un étranger ne peut déchiffrer que peu de chose de l'énigme alsacienne, car les forces vives du pays sont condamnées à une action sans éclat, et tout ce qui se fait d'efficace est élaboré dans une demi-ombre. Les auteurs de la Victoire des Vaincus ont donc été bien dirigés ; mais placés aux meilleurs points d'observation, ils ont su voir par eux-mêmes.

Nous voici donc en possession d'un excellent manuel. Sou- haitons qu'il soit lu ; souhaitons aussi qu'il mette un terme, pour quelque temps, à l'indiscrète abondance d'articles et d'études qui paraissent chaque jour sur la question d'Alsace. L'opinion française qui a fait preuve, pendant de longues années, de tant d'incompréhension est maintenant mieux instruite. Les malentendus sont dissipés. Il ne faudrait pas que trop de paroles et de bruit vinssent nuire au travail silencieux qui s'accomplit chaque jour en terre annexée.

J.S.

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