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800 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

jours; mais n'est pas facteur qui veut. II faut s'être dévoué dans de lointaines colonies, avoir travaillé dans les usines de l'Etat qu'un accident vous a forcé de quitter. C'était précisément le cas de Gallois dont le bras gauche était resté dans un engrenage. On l'en avait consolé par une pension de huit cents francs et par cette place de facteur rural qui lui valait, bon an, mal an, les étrennes com- prises, huit cents autres francs. Cela faisait pour une famille de quatre personnes, une somme que tout le monde n'a pas à sa disposition, tant s'en faut, dans ces petites villes où presque tous vivent au jour le jour. On le voyait partir chaque matin avec sa blouse bleue à collet rouge, son képi, sa sacoche et son bâton. Il rentrait vers deux heures de l'après-midi ; jusqu'au lendemain matin il lui était permis de vivre comme un rentier ; il avait bien l'air, en effet, d'un rentier qui est parti de bonne heure faire un tour, par hygiène et pour son propre plaisir. Il mangeait de grand appétit, allait faire un autre tour dans son jardin derrière la maison, puis vers sept heures se dirigeait vers le Café du Commerce où il prenait l'apéritif. Ils habitaient à peu de distance du centre de la ville, au-dessus des moulins. Leur maison faisait partie d'un groupe de huit ou dix autres. Toutes touchaient à des jardins qui s'étageaient suivant les courbes des chemins qui montent vers l'église. Ici l'on vivait une vie beaucoup plus paisible que dans la grand'rue, et même que sur les quatre routes dont chacune, tant qu'elle est bordée de maisons, est décorée du nom de faubourg. C'était tout au plus si deux fois par jour la mère Pilavoine passait avec ses trois vaches et son âne qui ne faisaient pas beaucoup de bruit. Elle les menait au pré pour qu'ils se remplissent

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