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crate. Thérèse est son infirmière ; mais toutes les femmes, dont il a été tenté de s’éprendre, sont du beau monde ; et il ne quitte sa solitude que pour la compagnie des grandes dames. Là aussi, plus semblable à Beethoven que personne.

Tous ses goûts ne sont donc pas populaires, en dépit de la simplicité. Mais ses rêves sont peuple : parce qu’il rêve d’union entre tous les hommes. Au fond, ce misanthrope, ce loup-garou, ce malheureux qui fuit le monde, croit à la bonté de la vie. Les gens de son siècle ne croyaient qu’au plaisir et à l’ennui.

Il se cache des hommes, pour ne pas les juger. Il les fuit, pour ne pas les haïr. Tout ce qu’il a de méchanceté est en eux, et vient d’eux. En lui-même, tout ce qu’il leur suppose de bonté. S’ils étaient tous comme lui, la vie serait aussi bonne que la nature est belle. Or, ils pourraient être comme il est ; et ils ne le veulent pas. Voilà son désespoir, et voilà sa prophétie, pleine d’une douloureuse espérance. Soyez enfin ce que vous devriez être. Rentrez dans la nature. Reprenez en elle votre vertu oubliée. Soyez frères, ô fils de la même mère.

Telle est sa foi, si ardente et si pareille dans Beethoven et dans Tolstoï. On en peut rire. Mais jamais cette parole ne viendra aux oreilles des hommes sans les émouvoir et leur retourner le cœur. Quand elle chante passionnément, cette