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voix toujours enchante. Les grands du dix-huitième siècle, et les philosophes même l’ont écoutée avec ravissement. L’homme aime son cœur : il jouit qu’on le lui rende ; il bénit qui le lui touche. Ils ont jugé que ce malade était sain, et qu’il y avait dans ce fou plus de raison que dans les plus raisonnables. Jean-Jacques les ragoûte à la passion et à l'espérance : à eux-mêmes enfin, au fort de la vie, qui exige toujours quelque foi, en soi-même, en autrui, en n’importe quoi, mais du moins à quelque chose.

Homme nouveau en tout, Jean-Jacques est de la plus vieille France. L’irrésistible nouveauté est le réveil d’un sentiment silencieux, et retiré depuis plus de cent années dans le château de la Belle au bois dormant. Rousseau arrive de l’antique province, comme si Paris, la vie de cour et le Grand Roi d’Orient n’avaient pas façonné des mœurs, où la verdeur première de la nation est contrainte, sinon flétrie. Rousseau, prophète d’Occident chez les satrapes, est le seul artiste chrétien de son siècle. Voyez-y sa puissance. Il n’est d’aucune église, et il est de toutes. Il est religieux. Il a cette force du lien entre les hommes. La religion est la culture primitive, celle de tout le monde, et même des peuples incultes. Car la religion est un rite universel de l’amour.

Il faut bien convenir que la France n’est si humaine, que d’avoir été si religieuse. Le livre de