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99^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

le plaisir d'abord, s'il me suffit d'être pour le goûter, si tous les mouvements de mon cœur, dans le même temps qu'ils paraissent, me donnent joie? Je suis pris d'abord, je suis emmêlé si étroitement avec la joie que je ne peux plus bouger ; comme l'homme qui a quelque besogne à finir, y pense en rêve, mais il sent que tout ce qu'il pourrait faire, l'approcherait bien moins sûrement du bonheur que la continuation des mirages qu'il contemple, de même où prendrais-je du courage pour quitter et dépasser les délices qui m'empêchent ? Je lève les mains pour prier. Mais quoi ! à la source de ce geste et jaillissant avec lui d'un même jet, je trouve un émerveillement qui me suffit.

Là est le plus dangereux ennemi de la foi. Il est difficile à voir, tant il est simple et d'aspect bénin ; mais il n'en est que plus redoutable. Sa force vient de ce qu'il n'est pas dans le même plan, ni de même nature que ce qu'il combat. S'il était un mouvement de l'esprit, il ne prévaudrait point contre le grand mouvement de l'esprit qui m'em- porte vers la croyance ; il aurait beau se heurter à lui : il ne l'arrêterait pas. Mais un plaisir ! Cela est ailleurs en moi, bien loin de l'intelligence, dans une basse retraite impénétrable. Un plaisir n'a pas besoin de s'expliquer ; comme il ne propose aucune objection, on ne peut pas le réfuter. Il est immobile : et c'est là sa toute-puissance ; il traîne, il est lourd, il retarde comme un filet ; il est une

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