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CHRONIQUE DE CAERDAL 1^59

qui fait violence à toutes les mollesses du cœur humain.

C'est l'éternelle bassesse de mes ennemis qu'ils sont sans rédemption, ni pour soi ni pour les autres, et qu'ils le veulent être.

C'est leur éternelle bassesse de se complaire en soi même, et de n'avoir point d'autre complaisance. Ils vantent leur race, leur pays, leur tribu, leur village. Mais en tout ils se vantent, et ne vantent qu'eux. Ils sont fiers de leur nez. Ils sont ravis de leur image. Ils se parent du ciel qu'ils ont sur la tête, et de la terre qui les attend. Ils se font même d'horribles oripeaux avec les linceuls et les os des morts. Ils se flairent sans fin ; ils aiment leur odeur. Si glorieux et si misérables ! Basse espèce.

Je n'aime rien de moi que ce que je veux être. Et je ne vante que ma volonté, qui ne sera jamais accomphe : si je vantais quelque chose. Mais quoi ? tout contentement de soi est la prostitution de l'orgueil. Et j'y vois trop de bassesse.

André Suarès.

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