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NOTES IIO3

��LA PHILOSOPHIE DE M. BERGSON, par René Gillouin (Grasset).

" On ne résume pas plus Bergson que Debussy ", disait je ne sais quel bergsonien. Serait-ce que la philosophie de M. Bergson présente avant tout les caractères d'une œuvre d'art ? Sans doute, je consens que M. Benda s'irrite de la " vilaine matière verbale ", de 1' " imagerie d'occasion ", de la " période amorphe ", qu'il croit trouver chez le " Maître ". Ce sont reproches que Barbey d'Aurevilly aussi lançait contre Renan. Mais l'art de M. Bergson est dans l'ordonnance, l'harmonie, l'équilibre de la composition ; dans l'habileté à dégager progres- sivement une idée, à la faire germer dans l'esprit du lecteur avant de l'énoncer, puis, lorsqu'il l'a formulée, de l'éclairer brusquement par de justes images a intentions pédagogiques plus qi^ artistiques. Il est dans une imprécision si savante qu'elle prend les aspects de la précision ; dans d'incomparables ressources d'érudition et de tactique... Que sais-je encore ? Bref, M. Bergson est un merveilleux logicien du sentiment, an véritable magicien, comme l'écrivait William James. Qu'est-ce d'ailleurs que cette volonté qu'il affirme de faire tomber le " voile interposé entre le réel et nous ", c'est-à-dire de toucher les choses elles-mêmes et non une idée des choses ? N'est-ce pas M. Benda qui soute- nait un jour qu'elle est la négation même de l'esprit philoso- phique en tant que celui-ci est la prétention de comprendre les choses ; qu'elle est proprement l'esprit artistique et, plus précisément encore, l'esprit dramatique ? La seule et véritable satisfaction de cette volonté, c'est le théâtre^ et, à un degré moindre, comme il m'est arrivé à moi-même de l'indiquer, le roman.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas niable qu'il est extrêmement malaisé, sans que s'évanouisse une grande part de son prestige

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