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JULIETTE LA JOLIE IO7

non recouverts de papier. Ils vont de leur maison à leurs champs, et meurent dans leur lit, dont les pieds touchent ceux de l'autre lit où la mère Catherine est morte.

Le Louis était assis près de sa cousine, comme il l'avait été près de Juliette. Mais ce n'était pas une " veillée " semblable à celles de l'année dernière : il fallait alors qu*il s'échappât de la maison et qu'il se hâtât de rentrer dés qu'il entendait grincer la charrette. On y parlait fort, et l'on riait plus fort. Thierry se moquait de lui. Il entendait des mots qui le faisaient rougir, les mêmes qui faisaient rire Juliette. Ici l'on causait entre soi, tranquillement, mais chaque soir de plus en plus à voix basse, parce que l'on se rapprochait de plus en plus du jour du départ. Personne ne se moquait de lui. M™* Frébault trouvait naturel qu'il fût assis près de sa cousine, une jeune femme du monde si distinguée ! Elle lisait des romans ; elle lui en prêtait quelquefois, et il n'en dormait pour ainsi dire plus. Maintenant il vivait dans un rêve où tout se confondait : les aventures des héros de ses romans, et celles qu'il allait bientôt courir. Il ne se demandait plus si jamais il avait aimé Juliette, et se rendait à peine compte qu'il lui était agréable de s'asseoir près de sa jeune cousine.

Frébault mâchonnait sa cigarette. M™* Frébault parlait beaucoup. Elle ne se lassait pas de poser des questions :

— Avec deux douzaines de chemises, est-ce que tu crois qu'il en aura assez ?

Le cousin Leclerc levait les bras au ciel :

— Deux douzaines de chemises ! Tu es folle, ma tante ? Tout ce qu'on emporte là-bas devrait pouvoir tenir dans une petite malle de rien.

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