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CHRONIQUE DE CAERDAL 153

pratiques ; il les suit avec rigueur. On jure beau- coup en France. Saint Louis lui a donné son hor- reur du blasphème : en vingt deux ans, Joinville n'a pas ouï une seule fois Louis IX jurer Dieu, ni sa Mère, ni ses saints. A Joinville même et à Blécourt, qui jure, le paie donc incontinent d'une tape sur les doigts ou, à la joue, d'une bonne bufe.

Joinville fait des vœux en tout péril, à genoux soudain au milieu de la bataille. Il les accomplit, pieds nus, sur bien des lieues. Il fait peindre en sa chapelle les miracles qu'il a vus, et les fait monter en verrières à Blécourt. Le chrétien porte tout le chevalier, comme il porte la monarchie de Saint Louis. Ils sont vraiment, l'un et l'autre, le bras de l'Eglise. La parfaite certitude a mis en eux cette droite force de vie ; ou si elle ne l'y met, elle la garde ; elle la préserve de toute chute. Le lien religieux ne serre pas moins que le lien féodal cette incomparable amitié de Joinville avec son roi.

Ils s'aiment tendrement, et par delà toute absence. Mais voici l'heure de la séparation. A cinquante cinq ans, Louis IX presque mourant, veut partir pour une seconde croisade, où Joinville refuse de le suivre. Il ne s'excuse pas ; et le roi, point ne l'accuse. Saint Louis l'appelle, le presse, et ne le convainc pas. " Sa faiblesse étoit telle, qu'il souffrit que je le portasse, dès l'hôtel au comte d'Ausserre, où je pris congé de lui, jusques aux Cordeliers entre mes bras. "

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